Sky, Earth and Time: Qu Qianmei Solo Exhibition to be Presented at UNESCO, Paris


Quoique la peinture et la sculpture soient des arts de l’espace, il n’est pourtant guère étonnant que l’exploration des thématiques du Ciel et de la Terre chez QU Qianmei soit hantée par la question du Temps. Les éléments de la Nature sont soumis à l’action du Temps, et celui-ci ne se manifeste qu’à travers les éléments particuliers de la Nature, qu’à travers ses effets sur un lotus, sur un morceau de bois,... Ainsi, l’artiste est animée par cette conviction : quelque chose du temps doit pouvoir se transmettre à travers ces arts de l’espace, comme c’est possible pour le mouvement, à travers les représentations picturales de chevaux galopant, par exemple.
Le recours aux matériaux naturels fait d’ailleurs de ses œuvres de véritables microcosmes équilibrés. Ses œuvres invitent à un parcours libre du regard, au ralentissement du temps, faute d’en pouvoir suspendre le vol. Les matériaux comme les couleurs deviennent le medium de représentations cosmologiques. Le geste de l’artiste se voit conférer le pouvoir démiurgique d’informer la matière et de recréer une harmonie naturelle à partir du chaos. A ce titre toute production artistique de QU Qianmei s’apparente à une véritable performance, et ne peut que laisser admiratif, tant le travail et l’énergie demandés sont grands.

La Terre, représentée et symbolisée traditionnellement par un carré en Chine, constitue le matériau privilégié de l’artiste, aussi bien sous la forme de l’argile, du kaolin, de la terre brûlée, que d’autres matières minérales soumises à l’érosion. En tant que plasticienne, Qu Qianmei s’empare du bois mort qu’elle peint jusqu’à mettre en lumière les forces génératrices des éléments de la nature. Les anfractuosités et les aspérités de la terre qu’elle sculpte dans ses tableaux évoquent toutes à la fois la solidité et la friabilité de la roche ; les surfaces lissées, ondées de laque naturelle, le cours des ruisseaux. Laissant de côté le pinceau et l’encre qu’elle maniait plus jeune, comme point de départ de son chemin artistique, elle revisite la peinture de paysage en créant un langage chromatique fait de noir, gris, brun, or et ocre, dans lequel se déploient d’infinies nuances d’un même champ.
Avec la Terre, le Ciel offre une source complémentaire d’inspiration artistique et l’occasion à la fois d’explorer une palette chromatique oscillant du bleu-vert, azur, paon, indigo, au blanc de Chine, et d’exploiter, outre les irisations, les qualités opalines de la matière. Le Ciel est aussi associé aux impressions de légèreté et de pureté que créent la diffusion de matériaux poudreux, ou l’application de laques.
La riche symbolique du cercle – qui symbolise le Ciel, du moins d’après la cosmologie traditionnelle chinoise- ferait de surcroît référence à un temps non linéaire dont les effets s’annuleraient par le retour éternel à l’origine. L’efficace de ce symbole consisterait dans la maîtrise relative du temps au sein des créations artistiques de la peintre.

Ainsi, ses œuvres, exprimant l’harmonie céleste et terrestre, nous invitent à la contemplation de paysages, des cinq montagnes sacrées de Chine, en passant par des canyons, des étendues volcaniques… Chacun y verra finalement ce qui lui plaira, mais la source d’inspiration principale de l’artiste ne fait aucun doute : il s’agit de la Nature, d’une Nature qu’elle transfigure comme d’une Nature qui a transfigurée son activité artistique, après son voyage au Tibet. Elle s’inscrit par là même dans une tradition picturale chinoise, fascinée par les grands peintres paysagistes de la dynastie des Song, qu’elle enrichit de techniques et d’influences occidentales, admiratrice qu’elle est des œuvres de Tapiès, Kiefer, Soulage,….Elle crée une synthèse entre deux traditions, après des artistes comme Zhao Wuji ou Zhu Dejun.
En outre, QU Qianmei intègre dans ses créations certains éléments figuratifs comme les traces de véhicule sur la terre humide. Elle sublime ainsi une banale empreinte sur le sol, en révélant sa beauté cachée, par l’intermédiaire du motif artistique. Se refusant à tout éloge de la banalité, l’artiste se concentre sur l’épiphanie de la beauté, qu’elle illustre par le symbole amphibie du lotus d’automne, également métaphore de la création artistique, dont la beauté éclot grâce à la vase.
Les lotus d’automne, qui se fanent en offrant leur ultime beauté et l’espoir d’une renaissance, expriment de façon métaphorique le caractère éphémère de la beauté naturelle. L’artiste s’empare de cet événement esthétique fugace, parfois caché comme la beauté des traces laissées par des véhicules sur la neige. Elle le recrée à l’aide de ses gammes chromatiques et de ses matériaux, en procédant à la dilatation du motif et de sa beauté sous l’aspect d’œuvres parfois monumentales.

Le Temps se révèle exprimé à travers les tableaux de forme circulaire, qui peuvent évoquer librement les astres, les planètes aux sols polychromes, et le calendrier lunaire chinois comme expression d’un rythme cyclique lu dans les cieux. Les cadrans de montres que crée l’artiste ne peuvent se réduire à un ensemble harmonieux de motifs ornementaux en miniature, bref ne peuvent se réduire à de simples décorations. L’arrière-plan unique qui ouvre sur une contemplation esthétique hors du temps quotidien contraste avec le rythme conventionnel des aiguilles. L’observateur affairé qui regarde l’heure sur sa montre est ainsi appelé de façon contrariée mais salutaire à fuir l’urgence et à adopter une attitude contemplative à même d’enchanter et de colorer à nouveau son existence.

Je souhaiterai conclure par une anecdote vécue : lors du montage des œuvres à l’UNESCO plusieurs personnes sont passées par hasard dans le hall d’exposition. Toutes celles qui se sont arrêtées et ont pris le temps d’observer les œuvres et m’ont dit avoir éprouvé une force gigantesque se dégageant des mondes qu’elle crée. Aujourd’hui, nous vous invitons tous à faire l’expérience de l’art de QU Qianmei, à contempler ses productions, tout en laissant votre imagination vagabonder librement et en acceptant de recevoir une partie de cette passion créatrice qu’elle y a insufflée.

Stéphanie Aubry
Comité International Pour la Promotion des Arts et de la Culture
UNESCO - 31 Mai 2012